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Chronique
La barbe!
Ouf! La saison des Fêtes est finie
Personnellement, je ne suis pas fâché que la saison des Fêtes soit finie. Je commençais à en avoir jusque là d'entendre les mêmes chants de Noël dans les grands magasins. Mais ce n'est pas tout: deux de mes collègues avaient eu l'idée fabuleuse d'apporter au bureau, au début du mois de décembre, des tasses musicales; dès qu'elles levaient leur tasse, la lumière déclenchait la rengaine «I wish you a Merry Christ-mas...»
Nous les entendions venir de loin dans le couloir. Une chose est certaine; pendant tout le mois de décembre, les deux collègues ne sont pas passées inaperçues.
Enfin, le pire: j'ai fait le Père Noël au cours de la soirée de décembre d'une association multiculturelle de Vancouver. J ' ai songé à refuser l'of-fre en insistant sur le fait que je ne croyais pas au Père Noël. Hélas, les organisateurs-n'ont pas tenu compte de mes protestations et ils m'ont rappelé (comme si je pouvais l'avoir oublié) que j'avais tenu le rôle à Vancouver, quelques années auparavant. Ils ne savaient pas que j'avais en outre tenu Je même rôle deux fois au Nouveau-Brunswick. J'ai dû m'incliner.
Cette quatrième expérience dans la peau du Père Noël n'a pas été toute rose. Lorsque vous voyez un Père Noël dans un grand magasin tenir des enfants sur ses genoux et poser pour des photos, vous pensez probablement que c'est de l'argent facilement et agréablement gagné. Croyez-moi sur parole, c'est une activité pénible.
A la fin du dîner, qui avait été précédé d'un spectacle, des organisateurs sont venus me dire que l'heure fatidique était arrivée. Ils m'ont conduit, derrière la scène, à une pièce où jouaient des enfants; ils ont éjecté les enfants, et j'ai revêtu le costume, les bottes noires, la perruque, la barbe... oui, tiens! La barbe, alors! Mais il était trop tard pour reculer.
Les organisateurs sont sortis, ont refermé la porte, et l'un d'eux a monté la garde pour empêcher les enfants de revenir dans la pièce. Suant à grosses gouttes, suffoquant sous ma barbe, plongé, submergé dans l'angoisse de ce qui m'attendait sur la scène, seul devant mon destin, j'ai entendu la chorale entamer son programme. Après le quatrième chant, la porte s'est enfin ouverte, et j'ai marché vers l'échafaud.
Un fauteuil m'attendait. Je m'y suis laissé tomber lourdement. C'est alors que quelque chose d'imprévu s'est produit: un petit garçon mourant d'impatience
a échappé à sa mère et a entrepris d'escalader la scène.
Les enfants les plus âgés étaient au courant de l'identité du Père Noël de service; lorsque j'ai remis son cadeau à l'un d'eux, je lui ai lancé un «Merry Christ-mas»; «merci», m'a-t-il répondu.
Erreur fatale
L'année 1990 s'est bien mal terminée pour un résident de Vancouver. Le brave homme avait besoin d'argent pour faire ses emplettes de Noël; il a donc décidé d'aller se servir dans une-banque située près de l'intersection des rues Hastings et Main.
Il a présenté la note traditionnelle à une caissière; hélas, il est tombé sur une petite rusée, qui a ouvert un tiroir vide. Le voleur
Jean-Claude
Arluison
en puissance s'est enfoui bredouille, a jeté un coup d'oeil par dessus son épaule et s'est aperçu que plusieurs employés de la banque s'étaient lancés à ses trousses.
Il s'est engouffré dans le premier bâtiment, rue Main, sans prendre la peine de regarder le numéro, le pauvre! Car il s'agissait du 312. Mais, de toute manière, il ne savait peut-être pas qui loge au 312. Ne suivez pas l'exemple de ce malheureux et notez dans un coin de votre mémoire que le 312, rue Main est le quartier général de la police municipale de Vancouver.
lisent le quotidien du matin, une passagère fait des mots croisés. Un jour, nous avons eu droit à un spectacle enrichissant; son réveil-matin ayant probablement déclenché une grève sauvage, une jeune femme n'avait pas eu le temps de se faire une beauté avant de se ruer vers l'arrêt d'autobus.
Mais peu importe, car son sac à main contenait l'arsenal nécessaire. Elle a commencé par se peigner en long, en large et en travers, puis elle s'est fardée et s'est mis du rouge à lèvres. J'ai tremblé pour elle lorsqu'elle a entrepris, l'intrépide, derse noircir les cils; avec les cahots, elle risquait de se crever un oeil, la malheureuse! Mais les dieux étaient avec elle ce matin-là, et
elle s'en est tirée indemne.
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Une maladie redoutable
Personne n'est mort de cette maladie (pas à ma connaissance, en tout cas), mais, néanmoins, elle fait des ravages. Je veux parler de la «cruciverbite». A mon travail, la maladie a pris les proportions d'une épidémie, puisqu'une dizaine de membres du personnel l'ont attrapée.
Les premiers arrivés prennent des photocopies des mots croisés publiés dans les deux quotidiens que nous recevons. La cuisine est l'antre de ces malades des carrés noirs et des carrés blancs. Certains travaillent en équipe, tandis que d'autres préfèrent se torturer l'esprit en solitaire.
A force d'assister chaque jour à ce spectacle lamentable d'une bande de masochistes incurables, l'idée m'est venue de composer des mots croisés à leur intention; il n'est pas très grand, mais est épineux (à mon avis). Il ne me reste qu'à l'imprimer. Nous allons voir comment ils (et elles)
vont s'en tirer.
* * * * *
Un spectacle déprimant
Le matin, prenez-vous, comme moi, l'autobus pour vous rendre au travail? Quel spectacle pitoyable, n'est-ce pas? Je scrute avec intérêt le visage de mes compagnons et de mes compagnes de misère; la plupart ont les yeux gonflés de sommeil et la mine basse. Cela me fait penser à la Révolution française: ces passagers, on jurerait que ce sont des nobles conduits en charrette, dans les rues de Paris, jusqu'à la place où se dresse la guillotine.
Il y a quelques exceptions notables: deux ou trois personnes
Courrier
Des oubliés illustres
Le célèbre champion cycliste belge Eddy Merckx figure dans le Petit Robert 2 (dictionnaire des noms propres) et il mérite bien cet honneur, mais un dictionnaire publié en France n'aurait-il pas dû accorder le même bonheur à Jacques Anquetil (vainqueur, comme Eddy Merckx, de 5 éditions du Tour de France) et à Michel Jazy, célèbre coureur de demi-fond?
Définition
Un graffiti sur un mur d'une université: «Un intellectuel est un individu qui uùlise plus de mots qu'il ne lui en faut pour en dire plus long qu'il n'en sait.»
Imposer l'ignorance
Monsieur le Ministre,
Journaliste professionnel d'expression française depuis un quart de siècle, journaliste co-fondateur du Soleil de Colombie, seul journal d'expression française à l'Ouest des Rocheuses depuis deux ans, seul journaliste d'expression française au Journal épiscopal (tirage 315,000 exemplaires)... Je pense avoir acquis le droit de parler comme professionnel des effets sur notre langue et notre culture de la Taxe sur les produits et services.
Quels que soient les mérites d'un tel système de taxation, son application aux journaux, aux livres, aux magazines, aux .revues professionnelles comme aux bulletins d'églises et aux manuels scolaires ne peut que nuire à notre survie comme peuple canadien de langue française. Nous sommes quelque 2,000,000 de survivants, monsieur le Ministre. H ne s'agit pas d'un petit groupe d'excentriques, de maniaques, d'opposants politiques. Nous sommes parents, enfants, éducateurs, journalistes, lectrices et lecteurs, de tous les milieux, races, religions, âges, orientations sexuelles, opinions politiques... qu'unit une seule détermination, bien enracinée: nous parlerons français. Nous serons Canadiens. Nos enfants aussi seront des Canadiens francophones. Nous avons déjà survécu à des tempêtes effroyables... nos institutions, nos écoles et journaux en sont témoins.
Mais l'augmentation des prix de tout ce qui, imprimé, nous sert de support dans notre lutte quotidienne de vivre ici, chez nous, partout au Canada, en français, cette augmentation se traduira inévitablement par des étudiants, enfants, adultes, qui ne liront pas. Qui ne liront plus.
A la télévision de Radio-Canada, vous avez dit, jeudi passé, que «faire des livres et des journaux une exemption à la TPS, créerait un précédent.»
Croyez bien, monsieur le Ministre, que j'apprécie cette crainte à sa juste valeur: notre pays est, hélas construit sur des précédents. Mais, n'écartez-vous pas un peu vite l'idée que vous avez déjà prévu, dans le projet de loi, un autre précédent? Les aliments de base, le panier du supermarché, sont exempts de la TPS. Le gouvernement, qui a si bien répondu au défi de l'analphabétisme, ne pourrait-il pas mettre la nourriture linguistique - le français qui, pour nous hors Québec, nous permet de vivre - sur le même niveau que la nourriture du corps?
Il me semble que, non seulement vous ne serez plus hué, mais que nos journaux verraient dans une telle décision une marque de maturité et de courage politique de la part d'un Ministre des finances progressiste-conservateur.
J'attends, impatiemment, le plaisir de vous lire en réponse à mon exposé.
Veuillez croire, monsieur le Ministre, que je suis,
Bien à vous,
Nigel Kent-Barbour
Le Soleil
de Colombie
Le seul journal en français de la Colombie-Britannique
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Correspondant national: Yves Lusignan (Agence de presse francophone) Collaborateurs: Claudine Lavallée, Claudine Leloumeur, Tima Sekkat, Jean-Claude Arluison, Jean-Claude Boyer
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Le journal Le Soleil de Colombie est publié par Le Soleil de Colombie Ltée.
Enregistré comme courrier de deuxième classe. No 0046.
Vendredi 11 janvier 1991
Le Soleil de Colombie