Rodin
AUGUSTE RODIN était Parisien, né dans le quartier latin, le 12 novembre 1840, de parents appartenant à la classe ouvrière ; il était le cadet de deux enfants. Malgré l'indigence de la famille, les enfants furent élevés avec grand soin.
En tant qu'écolier, le talent de Rodin pour le dessin fut si prononcé que son père le fit entrer dans une école artistique. Après avoir été rejeté trois fois, comme étudiant en sculpture, par 1' Ecole officielle des Beaux-Arts, Rodin gagna sa vie en décorant des bâtiments et en aidant des orfèvres.
Il avait vingt-trois ans lorsque sa jeune soeur mourut, et poussé par la dou-
leur, il entra dans un monastère. Le Supérieur du Monastère découvrit le talent de Rodin et créa pour lui un atelier ; six mois après, il le persuada doucement de partir, pour continuer sa carrière artistique.
En 1871, Rodin travailla en Belgique et en 1875 il réalisa son projet de visiter l'Italie et d'étudier les oeuvres de Donatello et de Michel-Ange.Il en revint enthousiaste et tout imprégné de l'influence de ces deux maîtres.
Après avoir visité les cathédrales de France, Rodin s'établit finalement à Paris en 1877. Dans sa grande versatilité, il s'intéressa vivement à l'architecture ; en
1910, il publia un livre sur les cathédrales de France. En outre, Rodin était un maître dans l'art des paysages, des eaux-fortes, de la céramique et du portrait. (Ses bustes des hommes célèbres de son époque, à eux seuls, auraient pu le rendre célèbre).
La gloire de Rodin, en tant que sculpteur, s'accrut, et en 1882 un atelier fut mis gratuitement à sa disposition par l'état. Presque toute s ses oeuvres importantes donnèrent lieu à d'intenses controverses et la plus acharnée porta sur le "Balzac", aujourd'hui si célèbre. La société littéraire qui 1' avait commandé fut si irritée qu'elle renvoya la statue à l'atelier de Rodin.
Rodin resta indifférent aux honneurs mondains, et la seule distinction qu'il demandait était la reconnaissance de son oeuvre. Néanmoins, vers la fin de sa vie, il fut glorifié dans de nombreuses langues, comme un magicien du bronze et du marbre, un apôtre de l'art moderne, un génie, un maître-sculpteur. Lors de l'une de ses visites en Angleterre, des étudiants de l'école des beaux-arts de Slade, s'atte-I lèrent à sa voiture. Lorsqu'il
offrit l'une de ses sculptures au Mexique, les étudiants en arts la promenèrent en triomphe dans les rues de Mexico.
Lorsqu'il mourut, le 17 novembre 1917, il fut enterré près de sa femme, revêtu de sa robe de docteur d'Oxford, la croix de chevalier de la légion d'honneur déposée sur sa poitrine ; "Le. Penseur" fut utilisé comme pierre tombale. Les funérailles â Meudon furent simples, mais l'Angleterre
organisa un émouvant service du souvenir et l'Allemagne fit de même (bien que la guerre opposait alors 1' Allemagne et la France).
Après sa mort, Rodin perdit momentanément la faveur des milieux artistiques.
Une réaction dans le goût entre les deux guerres mondiales aboutit à une certaine dépréciation de son génie. Aujourd'hui encore, nous nous trouvons dans la période du "retour de Rodin". Une ré imposition mondiale
a eu lieu au cours des douze dernières années, avec pour apogée l'exposition "Rodin inconnu" au Louvre, en 1963, suivie peu après par une importante exposition rétrospective au Musée d'Art Mo^ derne de New York (Quel ques années plus tôt, seule ment, le Musée d'Art Moder> ne de New York aurait pro> bablement considéré Rodin comme se situant au -delà des limites de l'*'art m» derne".)
Maxibules
Au milieu de ce "dévergondage scénique", se trouvent deux êtres purs , des amoureux de Peynet, Ludovic et Florence, qui s'aiment d'un amour si raréfié, qu'ils peuvent se rejoindre par la pensée. Pour ne pas voir s'effriter leur bonheur, Ludovic s'éloigne volontairement de Florence. Après deux ans d'attente, sans nouvelles, Yolande et
Jean-Pierre, inquiets de voir leur soeur Florence devenue somnambule dans sa résignation, se décident à retrouver le mari errant. Ludovic (Bondfie 1 dMar-coux), poétique en velours bleu marine, joue avec sincérité et une belle diction. Sa petite Florence, Lucille Patineau, aime les jeux enfantins auxquels se livrent périodiquement Célestin et les Donadieu. C'est justement cette juxtaposition de farce et de sentiment qui
enlève de la tristesse à la situation de Florence.
Célestin a une petite soeur, Ernestine, dont on parle beaucoup. Il paraît qu'au temps de leur enfance com-mune, Jean-Pierre s'amusait à cracher entre les fesses de cette petite. Partie pour être mécanographe ou "perceuse de trous" à Paris, elle fait une apparition fringante au deuxième acte. Elle rencontre Jean-Pierre par hasard dans une boîte de nuit et s'accapare de lui adroitement. Avec une gouaille aguichante, Michèle Craig montre l'évolution d' une Ernestine qui domine d'abord Jean-Pierre et qui va ensuite contrôler toute l'entreprise Donadieu.
Finalement, il y aBordeur, le catalyseur de la pièce, l'arlequin, l'homme à tout faire, joué par Pierre Thé-riault, acteur d'une versatilité suprême, créateur de "Monsieur Surprise", per-
sonnage adoré des enfants montréalais à la T.V. ; il est ici "le souffleur monté en grade" qui s'est taillé un rôle dans la pièce par sa débrouillardise. Habillé en hussard, il sort de sa guérite pour jouer une multi-
plicité de rôles. Comme Ma gis dans l'Oeuf de Félicien Marceau, Bordeur se confie au public sur un ton fami lier et commente aussi l'action, comme le choeur grec.
Tantôt, il devient le père Donadieu, gros industriel
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très snob, tantôt il est la maltresse de Célestin et même son caniche Fiasco, ou il se transforme en vieil employé Bornadin, ou en Baronne de Fanfol titubante vers ses invités, ou bien en un pédéraste dans un cabinet de toilette, en enfant Mexicain ou encore en chauffeur de taxi surexcité.
Peut-être que les meilleures de ces interprétations sont : Bordeur en curé qui écoute la confession d'une Yolande hystérique et Bordeur en aristo : le Sieur Alban de Fanfol faisant la cour à la petite Florence sous les frais ombrages de son domaine.
La pièce est ponctuée par les airs d'harmonica joués par Bordeur -ce même harmonica qui devient stylo de téléphoniste ou lorgnette de grande dame selon l'occasion.
En tout et pour tout, une soirée mémorable. Peut-être que les Comédiens du Québec ne peuvent pas nous coloniser à la romaine,mais espérons qu'ils reviendront bientôt.
Jennifer Lulham.
VIII, LE SOLEIL DE VANCOUVER, 19 MARS 1971.