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SEMAINE DU 8 AU 14 SEPTEMBRE
COURRIER SUD
ARTS, LETTRES ET SPEC
Pi�ce mauve de Michel Tremblay
MUSIQUE POUR TOUS
Le. droit au bonheur prend, dans la vision po�tique du monde d'Andr� Brassard, couleur de deuil, et le son des violons ne fait que donner l'illusion fugitive d'�tre au paradis. Au del� du silence qui se fait la nuit, au del� du . "happy ending", il y a les langues qui vont bon train, il y a la vie qui menace le bonheur � deux d'autant plus vuln�rable que l'on n'est jamais^vraiment seulement deux. Oppositions r�elles ou apparentes que met en relief le titre, Bonjour l�, bonjour (formule de salutation et d'adieu), que Michel Tremblay a donn� � sa derni�re pi�ce dont la premi�re a eu lieu le jeudi 23 ao�t 1974 au Centre national des Arts � Ottawa.
Serge, sentant le besoin de r�fl�chir loin du milieu qui l'opprime et l'obs�de, passe trois mois en France d'o� il revient plus obs�d� qu'au d�part et pr�t � accepter la pr�sence continue du symbole de son oppression. Ce jeune homme de vingtrcinq ans,_ confident de trois de ses soeurs et amant de la cjuat-ri�me de cinq ans son a�n�e, s!est rendu compte que la vie loin de Nicole �tait insupportable, �vidence qui avait frapp�e celle-ci sans qu'elle ait eu � quitter Montr�al. Us vivront d�sormais ouvertement ensemble, ce qui irrite un peu tout le monde sans
pour autant scandaliser qui que ce soit car l'amour incestueux de Serge et Nicole �tait depuis toujours un secret de polichinelle connu m�me de leur p�re, esp�ce de pantin gigantesque au m�canisme d�fectueux. Le jeune couple compte sur la complicit� par-ternelle pour justifier sa relation irr�guli�re aux yeux des autres membres de la famille qui en sont tous en grande partie�responsable.- Mais la b�n�diction du p�re que serge et Nicole sollicitent et obtiennent au moment o� il accepte de finir ses jours chez eux n'est pas un gage de bonheur durable.
L'union de Serge et Nicole n'est rendue touchante que par la musique de fond, le deuxi�me mouvement de la septi�me symphonie de Beethoven, qui revient comme un leitmotiv chaque fois que Serge pense � Nicole. Mais il faut plus qu'un air de violons tout divin qu'il soit pour assurer la permanence d'un bonheur "conjugal". Cet air d�chirant n'a d'ailleurs rien de rassurant et les notes graves viennent souvent rompre ce que le reste du mouvement peut avoir de gai. n en est ainsi des liens qui unissent le fr�re et la soeur. Les premiers mots de Nicole � Serge sont des reproches. Serge ne trouve pratiquement rien de tendre � dire � sa soeur et Ton
en vient � se demander si Lucienne qui l'accuse d'�tre "une tapette manqu�e" n'a pas au fond raison. Serge nous para�t trop ti�de dans son amour pour �tre longtemps heureux de sa liaison que salissent, par leurs comm�rages, ses soeurs qui jalousent un peu Nicole et ses amis dont Robert, le gigolo de Lucienne. La passion m�me coupable pourvu qu'elle soit violente rallie toujours les suffrages (l'un public qui ne demande qu'� se montrer g�n�reux; mais une passion fade n'int�resse personne. Serge est un raisonneur m�diocre et Nicole n'a.rien d'une Antigone.
Ce sont les personnages secondaires qui retiennent le plus l'attention. Eux sont tout � fait vrais et Michel Tremblay, qui excelle dans les tableaux grotesques, les imposent � notre vue comme autant de caricatures de nous-m�mes. Il faut �tre masochiste ou inconscient pour trouver les personnages jle ce dramaturge amusants et quel Canadien fran�ais peut se retenir de rire � une repr�sentation de Bonjour l�, bonjour? Michel Tremblay a eu encore une fois la cruaut� d'�lever devant les spectateurs un miroir � peine d�formant les for�ant ainsi � se bien voir.
Mais le supplice est de courte dur�e. Les spectateurs
ont bient�t fait d'adopter F attitude du p�re sourd quii saisit tous les drames qui se d�roulent autour de lui mais qui pr�f�re n'en rien laisser para�tre. A 72 ans, il n'a eu qu'une exp�rience heureuse qu'il rappelle: Serge lui a fait entendre, il y a bien longtemps, un air de .violons qui l'a transport� aux portes du paradis et c'est cet air qui devient, le temps de Bonjour l�, bonjour, le liebesh'ed de Serge et Nicole. ^ Bonheurs passagers que ceux-l� que l'on peut tenter de faire rena�tre par la m�moire et les sensations mais qui s'usent quoi qu'on en ait. L'on voudrait, bien s�r, Serge et Nicole heureux mais, � la v�rit�, on n'y tient pas. n est difficile de communier avec la passion d'�tres qui ne parviennent pas � la communiquer,
Bonjour l�, bonjour, pi�ce en un mouvement � l'int�rieur duquel tous les personnages v�tus de mauve �voluent sur une sc�ne nickel�e, vaut en tant que peinture sociale. Michel Tremblay, qui a d�j� fait ses preuves dans ce domaine, n'est toujours � et c'est d�j� beaucoup! � qu'un fin observateur qui n'a pas r�ussi cette fois-ci � �tre le moraliste qu'il'aurait voulu �tre.
Pierre Paul Karch
PAR FRANCIN� ROBITAILLE MARSTON
LES GRANGES BR�L�ES
Gamme GS177
ON A LU POUR VOUS
Bande originale du film.
Tr�s �trange ce disque. H faut vraiment aimer le th�me musical de ce film car sinon. . . vous risquez de d�tester le disque puisque ce n'est, � par la cacophonie et les sons bizarres, que des variations sur mi m�me th�me malgr�, remarquez-bien, le choix sophistiqu� des quelques seize titres sur l'album. Enfin! le th�me est plaisant. Zkj-sag a une m�lodie gaie et entra�nante. D faut aussi mentionner que c'est un film de Jean Chapot interpr�t� par Alain Delon et Simone Signoret. La musique a �t� compos�e par Jean-Michel Jarre qui, je le r�p�te, excelle dans l'art des variations!
BACH: Rute Concertos in G Minor and A Minor/ TELEMANN: Rute Concertos in C and D major.
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Jean-Pierre Rampai
Columbia St�r�o Y32890 Odyssey.
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Jean-Pierre Rampai est un virtuose de la fl�te. Il sait sortir de cet instrument un son d'une douceur et d'une beaut� exceptionnelles. H dit lui-m�me "Je suis � mon meilleur lorsque j'oublie que je joue. . . On ne doit jamais jouer de la fl�te comme si ce n'�tait qu'une fl�te". Il imite donc les autres instruments et m�me la voix humaine. Ces deux concertos de Bach en surprendront peut-�tre quelques-uns car ils n'ont pas �t� �crits cour fl�te mais bien pour violon. (Bach transcrit le premier lui-m�me pour clavecin) et clavecin. C'est s�rement tr�s jo�i interpr�t� par la fl�te; c'est � se demander pourquoi ils ne sont pas plus souvent pr�sent�s comme concertos pour fl�te. Ne manquez donc pas cette interpr�tation originale.
Les deux concertos de T�l�mann sont plus l�gers et gais, par le fait moins �mouvants que Bach mais cela demeure quand m�me une musique fort agr�able.
L'enregistrement est excellent: A remarquer que la collection Odyssey rassemble d'excellents disques sous une �tiquette � prix modique.
PAR MIREILLE DESJARLAIS HEYNNEMAN
MADININA L'�LEA DES FLEURES (1)
Voil� un livre qu'il faut lire! Non seulement si vous �tes d�j� all�s � la Martinique ou si vous projetez d'y aller mais si vous voulez simplement faire une lecture ..int�ressante, pleine
d'anecdotes qui chevauchent le Canada, la France et les Antilles. Qui ne conna�t son auteur � m�me eh Ontario o� l'av�nement de la t�l�vision fran�aise est r�cent, car'on pouvait au moins l'entendre � Radio-Canada chaque matin � l'�mission "Chez Miville"! Le "P�re Ambroise" a en effet quinze ans de radio et dix ans de t�l�vision � son actif et cela sans jamais avoir lass� ses auditoires car il est, � bien des pays � la ronde, l'un des meilleurs raconteurs de notre jsi�cle. Bon raconteur, il l'est �galement dans ses livres. Ecrivain toujours alerte, au mot juste et � l'expression imag�e et originale, son humour bien connu ne se d�ment pas dans MADININA, non plus que sa fa�on �mouvante et captivante de nous transmettre sa sensibilit� tr�s vive.
Dans cette derni�re oeuvre, Ambriose Lafortune emploie cette sensibilit� et son exp�rience � trente ans aux Antilles entrecoup�s de s�jours plus ou moins prolong�s au Qu�bec, en France et ailleurs � � cerner ce qu'il advient des Martiniquais
dans le tumulte que pr�sente pour eux cette p�riode postconciliaire et post-lib�ration des peuples noirs. Ainsi, courageusement, il r�fl�chit sur les tensions in�vitables entre un vieux clerg� qui vient surtout de pays europ�ens et un jeune clerg� souvent n� dans 1'He, donc, en g�n�ral, noir. .Avec d�licatesse, il relate, entre autres, comment le peuple, en grande majorit� descendant d'esclaves, habitu� depuis toujours � voir l'autorit� entre les mains de Blancs, a souvent peine � accepter un pr�tre noir, et comment aussi il lui est difficile de s'adapter � l'Eglisetiouvelle, d�pouill�e qu'elle est maintenant de certains rites qui �taient plus proches des rites qu'il avait h�rit�s de ses anc�tres africains.
Un mot ici pour ceux qui n'aiment pas.les "livres de cur�'': ce n'en est pas un cjans le sens �troit du mot et l'auteur est aussi apte � int�resser un chr�tien qu'un autre. Ce sont en effet les valeurs, la culture, la vie intime du Martiniquais qui sont trait�es ici. Il n'y a pas d'autre auteur qui l'ait ainsi fait. Le livre est donc un document unique et il a l'avantage, qui n'est pas mince, de provenir d'un .�crivain qui a v�cu ce qu'il raconte, tout en en �tant suffisamment �loign� pour en avoir la perspective.
Ambroise Lafortune est sans doute le seul Canadien �
, avoir �t� ordonn� pr�tre � Fort-de-France. Sa culture propre et sa personnalit�" originale, nourrie par une vie de voyages sur tous les continents, lui permettent de mieux comprendre ceux de la Martinique, jeunes ou vieux, noirs ou blancs, venant d'Europe ou de ce continent. Ajoutons � cela qu'Ambroise Lafortune est pr�tre au sens v�ritable du mot et gu'il lui est tout naturel de nous faire d�couvrir avec lui la foi et la charit�. > Les exp�riences avec les humains relat�es dans MADININA sont entrelac�es de descriptions de fleurs, de fruits, de l�gumes, d'�pices, (font l'odeur court � travers les pages. On sent combien l'auteur aime la nature antillaise: "Faire du minist�re dans un pays c'est d'abord aimer les gens, leur vie, leur cuisine, leurs fruits et leurs l�gumes. . .aimer leurs fleursrll f�uTsentir un pays, l'apprendre par toutes ses pores. . ."Ce pays, sa plume d'�crivain nous le transmet comme si elle �tait pinceau de peintre. . .
On ne fait pas que d�couvrir la Martinique dans MADININA, on d�couvre aussi l'auteur, ouvert su Dieu et ouvert sur le monde. On peut saisir tout l'amour qu'il porte aux Martiniquais, son d�sir de les avoir acc�der � ce qu'il y a de mieux, spirituellement, intellectuellement, socialement, et sa volont� de
nous rendre conscients de ce que le Martiniquais, avec son surplus d� gentillesse et de gaiet� peut nous donner � nous, �trangers. MADININA nous permet en effet de partager avec l'auteur toute sa philosophie: donner ce <j�e l'on est et recevoir en �change ce que les autres sont, blan-chitude et n�gritude, la�cit� et pr�trise. . . Dans ce livre, plus qu'en tout autre encore, Ambroise Lafortune nous offre tout ce qu'il �, tout ce qu'il est: pr�tre, scout, voyageur attentif, et psychologue n� lorsqu'il s'agit de d�couvrir l'�me d'un peuple qu'il aime. Tout juste publi� il y a quelques mois, le 'r�cit d'Ambroise Lafortune est pr�c�d� d'une "Pr�sentation au lecteur' ' par Pierre Valcour � oui, ce m�me ancien com�dien qui jouait Guillaume dans Les Ploufle � la t�l�vision � un vieil ami d'Ambroise qui y relate la vie et les nombreuses carri�res de l'auteur avec, ma foi, beaucoup d'esprit. Et en postface, on trouve un tr�s beau po�me de Gaston Miron, un autre ami d'Ambroise, po�me �crit il y a vingt ans exactement et qui s'intitule: "Bonjour Ambroise". Cela nous replonge dans tous les feux de camp et les feux de l'Esprit allum�s par Ambroise Lafortune au profit de tant et de tant d�jeunes et moins jeunes dans le monde. . .
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(1) MADININA L'ILE DES FLEURS par AMBROISE' LAFORTUNE^ pfr�, Bsauchainln, 1974�
Monica Marin�t, dramatiques
son texte: La Grenouille
du concours des oeuvres de Radio-Canada pour